Etat des lieux

Moteur, boîte de vitesses et magnéto

Roues

Cadre et partie cycle

Peinture

Etat des lieux

L'état des lieux, ça consiste après avoir identifié la moto, à lister tout ce qui n'est pas d'origine, ce qui est manquant ou ce qu'il va falloir remplacer. C'est clair qu'en presque soixante-dix ans, beaucoup de choses ont pu changer sur une moto...

Pour ne pas se tromper, mieux vaut étudier soigneusement le modèle et les accessoires qui vont dessus, donc le nez dans les bouquins avec recoupement des photos prises dans les bourses d'échanges et les renseignements glanés à gauche et à droite et c'est parti pour détailler les pièces qui feront que la restauration sera à peu près conforme à l'origine. Quand j'ai attaqué la restauration, je n'avais pas internet, mais aujourd'hui, pour celui qui veut refaire une Terrot dans les règles de l'art, ne pas hésiter à visiter les sites spécialisés (et bien documentés), voir liens ici.

    • Le phare avant, de forme « obus », plus récent que la machine, malgré son verre plat.
    • Le kick n'est pas repliable, il provient d’une moto deux temps.
    • La poignée d’accélérateur n’est pas d’origine non plus (modèle Motobécane après guerre), la commande des gaz se faisait à l’aide de manettes, qu’il va falloir retrouver, plus précisément des Bowden.
    • Il va falloir retrouver aussi un guidon (2 ½ guidons), car celui ci a été amputé de 5 mm à chaque bout.
    • Il manque les leviers inversés, il reste toutefois le levier de décompresseur en bon état (c'est-à-dire pas tordu ni fêlé, par contre son axe a pris pas mal de jeu).
    • Le silencieux d’échappement, celui d’origine est en aluminium, modèle queue de poisson.
    • Les fixations de la batterie ont disparu et laissé place à un montage personnel du dernier utilisateur.
    • Les boîtes à outils sont absentes, il ne reste plus que sur le cadre les oreilles de fixations sciées (ou brisées…).
    • Le haut moteur n’est pas d’origine, il a été remplacé par un 350 cm3, de toutes façons, on ne voit presque pas la différence, seul le fût du cylindre est plus étroit sur le 250 cm3, et un 350 est quand même plus coupleux, donc je laisserai cette cylindrée (de toutes façons tout le monde changeait le cylindre à cette époque, ça permettait d'avoir un 350 pour le prix d'un 250).
    • Il manque aussi la plaque cache soupapes.
    • Le carburateur n’est pas de la bonne époque, en plus il est incomplet. Le bon carburateur est un AMAC bronze modèle 4/012 pour le 250 cm3 et 5/012 pour le 350 cm3.
    • Il manque le tube de raccordement des demi réservoirs, toutes fois les embouts sont là, mais bouchés à l’étain.
    • La magnéto est là, elle est d'origine (MAGNETO FRANCE).
    • La couronne arrière est neuve (j'ai l'ancienne, usée jusqu'à la corde dans le carton donné avec la machine).
    • Il y a un catadioptre ajouté sur le garde-boue arrière (merci pour les trous... en plus il est carré, donc hyper moche!) et la carcasse d'un feu arrière en dessous de la plaque de police (euh... d'immatriculation, pardon).
    • Enfin, il manque sous la molette de frein de direction, la rondelle élastique en forme d'étoile.
    • Et pour finir, la rouille a creusé le métal à un point tel qu'en regardant les garde-boue de près, on croirait voir la surface lunaire. Bon, c'est pas grave parce que la tôle est assez épaisse. A ce sujet, les quelques années passées à scruter toutes les Terrot qui me sont passées sous le nez m'ont fait remarquer que les premières années (jusque 1932 environ) sont les meilleures en ce qui concerne l'épaisseur de la ferraille, après ils ont dû découvrir chez Terrot qu'on pouvait gagner du poids de ce côté là, et aussi un peu d'argent - au détriment de la longévité du métal dans le temps...
    • Le réservoir d'huile a une petite bosse pas trop grave, le réservoir d'essence paraît impeccable après nettoyage.

 

 


Le moteur, la boîte et la magnéto...

Comme dit plus haut, le moteur est bloqué, et vu qu'il s'agit d'un cylindre borgne, l'astuce consiste à balancer un maximum de dégrippant par le trou de la bougie, laisser baigner quelques semaines, puis retirer les quatre vis qui fixent le cylindre au bas moteur et glisser une cale de bois entre (après avoir secoué le tout pour faire tourner le vilebrequin pour lever le cylindre).

Ensuite, on tape comme un fou sur le bout de bois qui fait levier... j'admets que c'est pas terrible pour débloquer le piston, mais j'avais pas trouvé mieux à ce moment là.

Bien sûr, la lampe à souder sert bien dans ces cas là.

 

L'intérieur d'un moteur de latérale : pas grand chose en fait, deux tiges de culbuteurs, deux basculeurs, un arbre à cames, la tige lève soupape d'échappement et la roue dentée en bout de vilebrequin.

Les basculeurs : à l'examen, il s'avèrera que l'un d'eux présente une amorce de fissure.

Le haut moteur, borgne (culasse solidaire du cylindre); le fût du cylindre est nickelé, je l'ai protégé en attendant de refaire ce moteur car il est bien conservé.

Sur la culasse, ce trou est bouché par une vis. Un héritage des entretubes...

 

 

Le vilebrequin n'a pas de jeu, ça se constate en tirant la bielle vers le haut et le bas.

 

L'examen des différentes pièces est plutôt positif, pas d'ailettes brisées ni de traces de coups, juste un basculeur fêlé et une coupelle de ressort de soupape manquante. L'arbre à cames aussi est un peu usé.

 

 

Plan du moteur en coupe extrait du manuel de graissage Terrot

Cliquez sur l'image pour l'agrandir

 

Je comptais le refaire, mais en recherchant un carburateur, j'ai eu l'opportunité d'acheter un moteur en bon état et complet, vendu pour le prix du carburateur seul... pas de raisons de s'en priver.

 

 

Le seul travail que j'ai fait sur le nouveau moteur a été un démontage, nettoyage, peinture haute température noire pour le cylindre et changement du roulement de vilebrequin (référence 6304).

 

 

A noter que la peinture (Restom) ne sent rien quand on passe la pièce dans le four de maman, il suffit juste de bien dégraisser le tout (en fait, c'est la graisse brûlée qui empeste la cuisine).

 

 

Bien sûr, ne pas oublier d'acheter un réducteur de culot de bougie.

Faute d'avoir le cache soupapes siglé Terrot, j'ai mis celui-ci en attendant d'en trouver un. L'écrou d'échappement était complètement mort (ovalisé et filets foirés), il a été remplacé par une refabrication qui reste à nickeler.

 

 

 

Après de longues recherches, j'ai finalement mis la main dessus !

 

La pompe à huile Mikro est comme neuve, aucune fêlure dans le zamac et pas de point dur lorsqu'on fait tourner la vis sans fin, démontage, nettoyage et remontage - on peut tester celle ci avec une perceuse à condition d'avoir un variateur de vitesse.

 

La boîte est couverte de graisse, un bon nettoyage, une petite chauffe à la lampe à souder pour évacuer la vieille graisse à l'intérieur, changement du roulement pour un modèle étanche et remplissage avec de la graisse de centralisation de camions Mercedès (référence A001.989.0851.10). Les différentes pièces resteront bronzées, une légère couche de vernis suffira à protéger de la corrosion.

Fonctionnement de la boîte impeccable, état correct de l'embrayage.

 

Plan de la boîte de vitesses en coupe extrait du manuel de graissage Terrot

Cliquez sur l'image pour l'agrandir

 

Pour la magnéto, juste un coup de ponçage, apprêt phosphatant et peinture haute température, quelques minutes au four pour l'aimant en U - ne pas oublier que lorsqu'on démonte l'aimant de la magnéto, il faut la remagnétiser avant de la remonter, sinon ça ne marche plus - un nettoyage et rien d'autre, elle donne une bonne étincelle (et de sacrés coups de jus dans les pattes !!). Un anti parasite NGK trouvable partout pour 3 € (et un coup de scie à sa base pour lui donner un aspect ancien), du fil antiparasite rouge acheté sur une bourse d'échanges et un caoutchouc de câble de magnéto pour décorer le tout. J'ai fait nickeler le ressort de celle ci : mauvaise idée, heureusement ce type de ressorts (de sécateurs) se trouve dans tous les magasins de bricolage en neuf et bronzé.

 

 


Les roues

Les jantes ont été thermo laquées (même aspect que de la peinture noire polyuréthane mais plus solide, surtout pour le remontage des pneus), les rayons changés pour des neufs, rayonnage maison (une première pour moi, ça a été long mais intéressant, sur ce lien, j'explique comment procéder). J'ai gardé les roulements d'origine, à savoir de bonnes vieilles cuvettes dissociées avec des billes baladeuses entre... ça garde son charme, et il n'y a pas trop de jeu, donc pas la peine de s'embêter à changer pour des roulements coniques plus fiables, si ça marchait à l'époque, pas de raisons pour que ça ne marche plus de nos jours (je vous rassure, sur d'autres motos je les ai changés, tout dépend de leur état).

 

Détail de la roue arrière

Roue avant côté tambour de frein

La chaîne de transmission primaire a été juste nettoyée, le carter a suffi pour la conserver pendant des années, par contre la chaîne secondaire, nettoyée et graissée, a explosé au premier essai de la moto. Heureusement, aucun dégât... depuis je change systématiquement toutes les chaînes, même si elles ont un aspect impeccable !

Sur cette photo, elle est bien sûr trop tendue... il faut donner un peu de mou.

 

Les pneus ont été changés, un Barum à l'arrière et un Michelin profil ZZ à l'avant.

 

Pour les freins, j'ai dériveté les garnitures des mâchoires, acheté de la garniture (garantie sans amiante !) et recollé celle ci avec de la colle bi composants, censée résister aux températures élevées. Pas besoin de remettre des rivets, si on respecte la procédure et avec de bons serre joints, ça tient. Ensuite il faut rectifier les garnitures pour les ajuster aux tambours (à la lime...)

 

Sur le tambour de droite, les traces noires indiquent un frottement inégal des garnitures dans le tambour, reprise obligatoire

 


Le cadre et le reste de la partie cycle

Le cadre et le reste ont été sablés, vu l'état de la corrosion, il m'a été impossible de séparer la partie avant de la partie arrière, l'axe et son écrou les reliant ont donc été peints avec le reste en noir brillant. Certaines pièces de carrosserie, comme les garde boues, carters de chaînes et flasques de freins étaient tellement corrodées (présence de cratères après peinture) qu'il a fallu les reprendre avec cette fois un coup de mastic liquide.

 Hormis le réservoir et son bouchon, il n'y a pas de chromes sur la Terrot, en 1930 c'était encore du nickel. La liste est à peu près la même pour toutes les machines de cette époque.

 

A noter qu'il y a aussi quelques pièces qui sont bronzées (même page), comme les vis (usinées bombées) de partie cycle et les leviers de la boîte entre autres. Pour celles qui étaient encore en bon état (c'est à dire pas attaquées par la rouille), un bon nettoyage pas trop appuyé (juste avec un peu d'essence et un chiffon pour ne pas enlever le bronzage) et un coup de vernis suffisent pour garder leur aspect d'origine - on peut faire de même avec de la graisse ou de l'huile, mais ça demande plus d'entretien.

 

Les boîtes à outils sont manquantes et les oreilles de fixations sont cassées.

 

Les grippe genoux étaient plutôt en mauvais état. Au début j'ai mis des refabrications sans logo, jusqu'à ce qu'un ami me propose d'en refaire à partir des pièces d'origine.

 

Le résultat est plutôt réussi, il a même refait la référence inscrite à l'intérieur !

Tous les caoutchoucs ont été remplacés, poignées, repose pieds etc...

Le silencieux d'échappement est une refabrication, acheté brut, il a fallu le polir.

Les leviers inversés aussi sont des refabrications. Les manettes Bowden sont d'origine.

 


Peinture

La peinture est un simple noir brillant pour le cadre et les éléments de carrosserie. Certaines machines à cette époque pouvaient être livrées entièrement émaillées vert ou bleu ou n'importe quelle couleur, c'était selon les goûts du client, mais la plupart des Terrot sont noires, donc sobres.

 

Les filets or, on les retrouve aussi sur les carters de chaînes, ils font tous 1 mm de large.

Les réservoirs Terrot étaient fabriqués en laiton de 15/10ème mm, fond acier riveté et soudé à l'étain. Il pouvait être commandé à l'usine soit entièrement émaillé avec différents motifs, soit chromé en option (pour 50 francs de l'époque... prix de la moto en 1930 : 4.200 francs). Celui de ma moto est chromé, et en nettoyant soigneusement, légèrement sans appuyer, j'ai pu retrouver la couleur. Mais là où c'était plus net, c'est sous les plaques des grippe genoux : un bleu translucide sur chrome.

Dans les catalogues de l'époque, cela s'appelait bleu transparent ou bleu Duco.

Visiblement, pour un carrossier, ce bleu translucide sur chrome paraissait difficile à reproduire tel quel, sauf en utilisant un vernis teinté - le problème reste la tenue dans le temps, aucune peinture ne tient sur du chrome.

 

 

 

 

 

Par contre, leurs nuanciers sont assez complets et une fois la bonne teinte trouvée, un coup de polissage pour déchromer le réservoir aux endroits peints, un apprêt phosphatant et hop, peinture. J'ai fait moi même les gros filets noirs (10 mm) avec des masques et de la peinture à maquettes, entourés de filets or (1mm) faits avec de l'adhésif - peints à la main à l'époque. Retour chez le carrossier pour vernis.

J'ai tenu à conserver le chrome du réservoir ainsi que les bosses, ça donne tout son charme à la moto et il n'est pas en si mauvais état que ça. Par contre, il fuyait à l'extrémité côté selle. Je l'ai fait ressouder, j'ai résiné l'intérieur, mais ça n'a pas suffi. En fin de compte, un bon coup de synthofer et le problème était réglé.

 

La visserie spécifique Terrot a été refaite, pour le peu qui me manquait, la selle recouverte de moleskine, on câble le tout après avoir soigneusement bricolé les bouts de câbles qui vont bien dans les manettes, quelques réglages, de l'huile...